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A propos des couleurs au moyen-âge : perception des couleurs

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A propos des couleurs au moyen-âge : perception des couleurs Empty A propos des couleurs au moyen-âge : perception des couleurs

Message  Mayra faiseuse de Couleur Mer 12 Mar - 13:46

Les couleurs vues par l’Eglise.

A partir du XIIième siècle, plus nombreux sont ceux qui, avec St-Bernard, pensent que la couleur est matière. Les couleurs sont trop riches, donc trop séduisantes aux yeux de ces prélats et théologiens chromophobes . Elles sont trompeuses (le terme color vient de celare-cacher) et constituent un luxe inutile condamnable). Mais il existe aussi des prélats chromophiles.
Saint-Bernard est le " grand ennemi de tout ce qui brille " . Dans la couleur, il voit du mat, du sombre, un élément qui obscurcit. Il déclare la guerre aux couleurs où qu’elles se trouvent (vitraux, enluminures polychromes, orfèvrerie, pierres chatoyantes) et elles doivent être chassées des églises. Ainsi dans les églises cistersiennes, les couleurs sont absentes au XIIème siècle.
Suger a une position contraire. Pour lui l’abbatiale de Saint-Denis doit être le temple de la couleur. Ainsi, chez les Clunisiens, les églises sont bariolées. Cette position est partagée par de nombreux prélats jusqu’à l’époque de Saint-Louis.
L’Eglise possède aussi ses couleurs. Leur mise en place s’est faite entre l’époque carolingienne et le XIIIème siècle. Dès le IXème siècle, le noir, couleur de l’humilité et de la pénitence semble être devenue la couleur monastique (mais la réalité textile est différente : les tissus sont gris, bruns, blancs ou de teinte naturelle). Après le XIIème siècle, les écarts se rétrécissent entre les couleurs idéologiques et les couleurs effectivement portées.
- les Cistersiens : veulent le retour aux origines, c'est-à-dire les étoffes à bas prix, faites d’une laine non teinte (c'est-à-dire tirant vers le gris).
- Les Franciscains : appelés les " frères gris ".
- Les Dominicains : en blanc (robe) et en noir (chape), symboles de la pureté et de l’austérité. Cela correspond à la déclinaison en épaisseur des couleurs vestimentaires.

Le rouge
Au XII siècle c’est la couleur prestigieuse, celle des riches, des puissants. Le rouge est obtenu de diverses manières. Mais il y a le bon et le mauvais rouge. Le mauvais rouge est contraire du blanc divin. C’est la couleur du diable et de l’enfer. Par extension toutes les créatures à tête ou poils rouges sont considérées comme plus ou moins diaboliques (le renard, mais aussi les chevaliers vermeils des romans arthuriens qui sont toujours des chevaliers animés de mauvaises intentions).

Le bleu
Avant le XIIième siècle, le bleu est peu valorisé, et compte moins que les 3 couleurs autour desquelles s’organisent tous les codes de la vie sociale (le blanc, le noir et le rouge). Le bleu n’est même pas la couleur du ciel qui est plus souvent blanc, noir ou rouge. Puis il y a une forte promotion du bleu dans la deuxième moitié du XIIème siècle, entre autre avec le culte marial et l’adoption de l’azur pour les couleurs royales françaises (St Louis). La révolution se produit vers 1140. Vers 1170-1180, on commence à se vêtir de bleu dans les milieux aristocratiques. Les progrès des techniques tinctoriales à la fin du XII ième siècle et au début du XIII ième siècle permettent la fabrication d’un bleu clair et lumineux. Le bleu devient même la plus belle des couleurs et il prend dans ce rôle la place du rouge (qui commence à reculer). Il faut alors trouver une autre couleur négative, dépréciée, ce sera le noir.

Le vert
Le vert ne résulte pas d’un mélange, car le jaune se situe encore loin du vert et du bleu dans l’échelle des couleurs de l’époque, quelque part entre le blanc et le rouge. Il est plus difficile à fabriquer et à fixer que le blanc et le noir. Sur les étoffes et les vêtements les verts peuvent être clairs ou foncés, mais sont délavés, grisés peu résistants à la lumière et aux lessives. Il faut donc mordancer fortement ce qui tue la couleur. Le vert est réservé aux vêtements de travail sur lesquels il a un aspect grisé. Cela explique son peu d’attrait dans les couches supérieures de la société.
La couleur verte, difficile à obtenir, met en valeur ou emblématise l’instable, l’éphémère, le mouvant... (la jeunesse, l’espérance mais aussi le désespoir). Association et contexte diront la symbolique de cette couleur. Associé au jaune, il devient la couleur de la folie ou de la mélancolie. Curieusement le vert est peu associé à la nature qui peut être noire, rouge ou blanche.

Le violet
Jean Robertet en fait la couleur des traîtres et cite comme exemple le violet de Ganelon.

Le jaune
Le jaune est assimilé dans la sensibilité médiévale à un blanc ou à un sous blanc, pris en mauvaise part. Depuis longtemps au XIIIème siècle il est la couleur de la ruse et du déguisement. Avec sa forme superlative, le roux, il est presque toujours associé au mensonge, à l’hypocrisie et à la félonie. Le jaune devient la couleur négative à partir du moment où le noir est promu, car il faut trouver une nouvelle couleur négative. A partir du 2ème tiers du XIIIème siècle le jaune entretient des rapports étroits avec les juifs, dans la société comme dans l’image (exemple de Judas). Le Juif est un personnage habillé de jaune ou bien qui porte du jaune sur une pièce de son vêtement (robe, manteau, ceinture, manche, gants chausses et surtout chapeau). Entre le haut et le bas moyen age, la vogue du jaune va en décroissant. Rares sont après 1200, les hommes et les femmes qui en Europe occidentale s’habillent de jaune, chez les princes comme chez les roturiers. Cela vaut non seulement pour le jaune qui tend vers le rouge comme dans la chevelure de Judas, mais aussi pour celui qui tend vers le vert (le jaune citron).

La pourpre
La langue du blason conserve au mot pourpre un sens chromatique pour qualifier une couleur très rare dans les armoiries médiévales et s’exprime d’abord par une nuance grise ou noire, puis à partir du XIV ième siècle par une nuance violette.

Le blanc
Il a été considéré comme une couleur à part entière. Le bien blanc n’existe pas. Pour la laine, la teinte naturelle est blanchie à l’eau fortement oxygénée de la rosée et à la lumière du soleil. Mais le blanc redevient bis, jaune ou écru au bout de quelques temps. Pour teindre, on utilise certaines plantes (saponaire), de la lessive à base de cendres ou bien des terres et des minerais (magnésie, craie, céruse) qui donnent des reflets grisâtres, verdâtres, bleutés et ôtent l’éclat de la couleur.
Dans les sources textuelles, la mention de draps blancs signifie des draps non teints exportés et teints sur le lieu de leur destination. C’est donc une utilisation précoce du terme " blanc " dans le sens de " non coloré ".

Le noir
Il a été considéré comme une couleur à part entière. Il y a le bon noir : celui de l’humilité, de la modestie, de la tempérance (visible sur l’habit bénédictin et sur celui des ordres monastiques, celui des magistrats et des officiers publics, celui du deuil). Le mauvais noir est celui des ténèbres, de l’enfer, du péché, du Diable. Pire que le jaune et même que le roux, il est la couleur de la mort. Le noir est délaissé autant par les artisans, mes paysans que les nobles.
Obtenir un noir uni franc et solide sur la laine est une opération délicate et coûteuse (c’est plus facile pour la soie et les pelleteries). Dans les images on peut trouver un noir bien noir (ou un blanc bien blanc) mais la réalité est différente. Ainsi les Bénédictins et les Cistersiens sont habillés en réalité de brun, de gris ou de bleu (voir Pastoureau, " L’Eglise et la couleur, des origines à la Réforme ", Bibliothèque de l’Ecole des Chartes, tome 147 (1989), p. 203-230 (particulièrement p. 222-226 sur les couleurs du vêtement monastique et religieux). Dans l’imaginaire, le noir est une couleur absolue, dense, opaque, indestructible. Dans la réalité, le noir est relatif, instable, fragile et rarement noir.

L’orange
Mal vu et peu fait, à cause du tabou des mélanges et de la connotation négative (diabolique). Dans la rousseur médiévale il y a toujours plus de rouge que de jaune et ce rouge présente une tonalité mat et terne comme les flammes de l’enfer. La chevelure rousse est un attribut récurrent à partir de 1250 chez Judas, mais aussi chez d’autres traîtres (Ganelon, Caïn). De plus ils sont gauchers. Il y a beaucoup de bourreaux, prostituées, usuriers, changeurs, jongleurs, forgerons, meuniers, bouchers pour lesquels la couleur rousse constitue un des caractères iconographiques les plus remarquables. A partir du XIIIème siècle, cette couleur apparaît désormais comme le signe iconographique premier du rejet ou de l’infamie. Cette valeur négative de la couleur rousse est ancienne : la Bible, les Grecs et les Romains, les peuples germano-scandinaves y font référence. Le Moyen Age y a puisé ses propres valeurs mais il est marqué par la spécialisation progressive de la rousseur comme couleur du mensonge et de la trahison. Au fil des siècles, le roux est devenu une couleur à part entière, mais une couleur dévalorisée.

L’or
L’or, dans la sensibilité et dans la culture a peu de rapport avec le jaune, mais beaucoup avec le blanc. L’or sert parfois à traduire l’idée de blanc intense, de super blanc. Plus blanc que blanc est l’or. Mais il est aussi pris en mauvais part à cause de sa très forte saturation.
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